Gare aux conséquences de la sommation d’opter

Je parlais dans l’un de mes précédents articles des bénéfices de la sommation d’opter (acte peu coûteux, simple et généralement assez efficace) en cas de succession bloquée.

Il s’agit lorsqu’un héritier refuse de prendre position de le contraindre à opter faute de quoi à l’issue d’un délai de deux mois, le destinataire est réputé avoir accepté purement et simplement la succession : ceci n’est donc pas sans risque pour celui qui reçoit un tel acte.

Vous avez reçu une sommation d’opter et vous ne savez pas comment réagir? Lisez ce qui suit : la réception d’une sommation d’opter doit toujours être pris au sérieux.

Un arrêt en date du 30 juillet 2014 rendu par la Cour d’appel de BASTIA illustre parfaitement des dangers qu’encourt un héritier qui ne répond pas à une sommation d’opter.

Un créancier de la succession (un garagiste) délivre à une héritière (la mère du défunt) une sommation d’opter.

La succession est déficitaire.

L’héritière renonce à la succession mais plus de deux mois avoir reçu la sommation d’opter, c’est-à-dire hors délai.

L’héritière conteste la validité de la sommation en faisant valoir qu’il était indiqué dans la sommation que la renonciation devait être adressée à l’Avocat du créancier et non au greffe du Tribunal de Grande Instance.

La Cour d’appel la déboute en retenant : « Le premier juge a exactement constaté que l’acte d’huissier délivré à Mme A. le 3 août 2011 mentionne bien les dispositions des articles 771 et 772 du Code civil qui contiennent toutes les indications nécessaires pour l’exercice de l’option. Il a justement relevé que si dans l’acte il est par erreur fait sommation d’exercer l’option auprès de maître Y  avocat du créancier, la nullité n’est pas encourue dans la mesure ou la procédure était déjà engagée devant le tribunal d’instance et que Mme X  était assistée d’un conseil. »

L’héritière se retrouve donc acceptante pure et simple d’une succession déficitaire.

(Cour d’appel de Bastia Chambre civile B 30 Juillet 2014 N° 12/00392)

ou « Selon Monsieur Alain D., il ne peut être déclaré acceptant pur et simple de la succession de son père Didier D. (décédé le 3 juin 2011), car la sommation délivrée le 9 octobre 2014 n’a pu faire courir le délai d’option de deux mois prévu par l’article 772 du code civil, faute de lui avoir été signifiée régulièrement. Il soutient que l’acte de signification n’est pas valable, dès lors qu’il fait état d’une domiciliation au […], alors qu’il était sans domicile fixe.

L’assignation devant le tribunal de grande instance d’EVRY en ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Didier D., en date du 5 janvier 2017, a également été délivrée en l’étude de l’huissier instrumentaire (un autre huissier que celui ayant notifié la sommation ) après vérification de l’adresse de Monsieur Alain D. au […] : cette domiciliation a été confirmée par le nom figurant sur la boîte aux lettres et sur l’interphone, ainsi que par le voisinage (pièce 12 intimée).

La signification du jugement dont appel a été effectuée par acte d’huissier, en date du 5 décembre 2018, qui a été délivré à la personne de Monsieur Alain D. à l’adresse du […] (pièce 22 intimée).

La carte nationale d’identité délivrée le 24 avril 2012 au nom de Monsieur Alain D. fait également état de son domicile au […], ce qui signifie que des justificatifs de domicile ad hoc ont été produits par l’intéressé pour l’obtention de ce document administratif.

Ces éléments multiples et concordants démontrent que les modalités de la signification de la sommation du 9 octobre 2014 ont été parfaitement régulières, peu important que la situation de sans domicile fixe alléguée par Monsieur Alain D. lui ait permis successivement et temporairement de se faire domicilier chez l’association A , puis auprès de l’association B (décision d’aide juridictionnelle du 4 février 2019 et déclaration d’appel du 28 février 2019). »

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Alain D. de sa demande de nullité de la sommation d’ opter et en ce qu’il a dit que l’appelant était, faute d’avoir opté dans le temps imparti, réputé acceptant pur et simple de la succession de son père. »

Aussi, avant d’annuler une sommation d’opter, les juridictions vérifient si l’huissier a fait les diligences nécessaires pour s’assurer du domicile du destinataire.

Outre les conditions de forme, les tribunaux s’intéressent également au fond et notamment au point de savoir si l’héritier a bénéficié des informations nécessaires pour opter.

Cour d’appel, Bourges, 1re chambre, 22 Août 2024 – n° 23/00626

« Par ordonnance de référé du 19 octobre 2022, le juge des référés a ordonné une expertise aux fins de décrire et estimer l’actif successoral composant la succession de M. A.

Mme B pouvait donc prétendre obtenir un délai dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise pour pouvoir choisir la composition de son legs.

Cependant, les intimés font valoir et en justifient, que le rapport d’expertise a été déposé le 7 février 2024.

C’est donc en occultant ce fait nouveau que Mme B maintient dans ses dernières conclusions du 6 mai 2024 sa demande tendant à l’infirmation du jugement querellé, faisant valoir que tant que l’expert désigné par ordonnance de référé du 19 octobre 2022 n’ a pas déposé son rapport, il lui est impossible de déterminer avec précision le montant de l’actif successoral et du legs particulier dont elle est bénéficiaire.

Mme B dispose désormais de la valorisation de son legs et a donc la capacité de déterminer les biens qui le composeront, en réponse à la sommation d’opter qui lui a été délivrée sur ce point, étant avisée que ses co-héritiers en solliciteront la réduction en cas d’atteinte à leur réserve.

L’appelante n’explique nullement pour quels motifs un délai de deux ans lui serait nécessaire pour ce faire.

Il est constaté qu’elle a déjà disposé au jour où la cour statue d’un délai de plus de 5 mois depuis le dépôt du rapport d’expertise, lui permettant de prendre conseil. »

 

Cet arrêt est intéressant car il expose la possibilité d’obtenir en référé une expertise pour estimer l’actif successoral.
La réception d’une sommation d’opter n’est donc jamais un événement anodin.

 

Vous devez sérieusement réfléchir à l’option que vous souhaitez choisir :

– accepter purement et simplement la succession ce qui impliquera par la suite d’être diligent et de participer aux opérations de partage

accepter à concurrence de l’actif net ce qui est une procédure assez formaliste mais vous protège du passif si la situation paraît peu claire au jour où vous recevez la sommation d’opter

– renoncer à la succession

Vous avez reçu une sommation d’opter et vous souhaitez avoir des conseils?

La succession dans laquelle vous êtes héritier est bloquée à cause d’un héritier taisant?

Vous avez une question ou vous souhaitez commenter cet article?

N’hésitez pas à me contacter, une réponse est garantie sous 24 heures.

 

 

A

  1. Bonjour, une personne ne reponde et ne signe pas le dossier des partage des liquidités dependant d ‘une succession. Que peut ont faire ?

    1. Bonjour,

      Tout dépend de ce qui a été déjà fait. Une sommation d’avoir à se rendre chez le notaire a t-elle déjà été faite? Une sommation d’opter? Savez-vous pourquoi la personne ne répond pas? Est-ce par principe? Y a t-il un désaccord particulier?

      Si la personne ne répond toujours pas, il sera peut-être nécessaire d’assigner le récalcitrant en liquidation-partage.

      Cordialement,
      Maître Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN

      1. Bonjour Maître,
        Je viens de recevoir une sommation de débloquer la succession de mon père , ma mère a un retard d’impôts.
        Peut-on débloquer partiellement l’héritage sachant qu’elle est sous tutelle.
        Nous n’avons jamais été averti de ce problème.
        Je voudrais débloquer à hauteur des impôts
        Est ce possible.
        Dans l’attente de vous lire bien à vous.
        B. L.R

        1. Bonjour,

          Votre question n’est pas suffisamment précise pour qu’une réponse puisse être apportée.

          Quels sont les droits de votre mère sur la succession? En nue-propriété? En pleine propriété?

          Faut-il vendre du patrimoine pour cela? Solliciter un paiement différé? Echelonné?

          Il faut vous rapprocher des impôts et vous occuper de cette question, ne la négligez pas.

          N’hésitez pas à vous rapprocher d’un professionnel du droit.

          Cordialement,

          Maître LABANDIBAR-LACAN

  2. Bonjour Maître,
    J’ai effectué une sommation d’opter pour l’héritage en mai 2018, à mon frère en Suisse.
    Aucun retour en 2020, sauf que j’apprends en 2020, qu’il a écrit au notaire en septembre 2018, s’opposant au passif que j’ai payé donc tout remboursement.
    Le choix du notaire s’opposant à me restituer le passif, que j’ai payé , est il possible ?
    Merci de me répondre.
    Cordialement .
    E. K.

  3. Bonjour Maître, est-ce que cette sommation d’opter fonctionne pour une succession en Italie (avec des biens immobiliers) et où les héritiers sont en France avec un des héritiers récalcitrant ?

    1. Bonjour,

      Une sommation d’opter est possible si la loi française est applicable à la succession et donc si le défunt demeurait en France.

      Restant à votre disposition,

      Cordialement,

      Maître Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN

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