J’avais abordé dans un de mes précédents articles la question du recel successoral.
Les méthodes pour parvenir à un recel successoral sont multiples : retraits en espèces, usage d’une procuration, paiement de factures n’incombant pas aux futur défunt, vente à vil prix, non-paiement du prix stipulé dans un acte de vente …
J’ai décidé aujourd’hui de traiter d’une question non traitée dans mon article précédent, la question du contrat d’assurance.
La souscription d’un contrat d’assurance vie est une technique fréquemment utilisée pour avantager un héritier.
Cet outil peut être assez efficace puisqu’en général, le contrat d’assurance vie est hors succession comme le prévoit l’article L 132-13 du Code des assurances.
Toutefois, si les primes sont qualifiées de manifestement exagérées, le Tribunal peut ordonner la réintégration des primes manifestement exagérées dans la succession.
Peut-il y avoir recel successoral sur un contrat d’assurance vie ?
Cette question ne peut se poser que si vous parvenez à démontrer le caractère exagéré des primes (voir mon article précédent qui reprend les points examinés par les juridictions pour parvenir à un tel résultat) devant le Tribunal de Grande Instance du lieu d’ouverture de la succession.
La jurisprudence affirme depuis une dizaine d’années que la qualification de recel successoral peut être retenue lorsqu’un contrat est réintégré à l’actif successoral pour cause de primes manifestement exagérées (Cass. 1ère civ 12 décembre 2007, pourvoi n° 06-19.653 et Cass. 1ère Civ, 4 juin 2009, pourvoi n° 08-15.093).
Toutefois, les juridictions examinent systématiquement si les éléments constitutifs du recel successoral, à savoir l’élément matériel et l’élément intentionnel sont réunis.
L’élément matériel du recel successoral n’est en général pas difficile à prouver : il s’agit de la non-révélation du ou des contrats par l’héritier bénéficiaire.
La question de l’élément intentionnel est plus problématique : il s’agit de démontrer le bénéficiaire s’est tu dans le but de rompre l’égalité entre les héritiers.
Si les Tribunaux ordonnent régulièrement la réintégration de primes manifestement exagérées, la sanction du recel successoral n’est pas automatique, on peut citer plusieurs décisions refusant d’appliquer la peine du recel successoral pour défaut de caractérisation d’élément intentionnel (Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 Mars 2010, Cassation partielle, N° 09-10168, Cour de cassation, 1re chambre civile,16 Mars 2016, Cassation partielle , Numéro de pourvoi : 15-14.940, Cour de cassation, 1ère civ 12 Décembre 2007 N° 06-19.653, Cour d’appel de Bordeaux, 1re chambre civile, section A, 10 Mars 2011, Numéro de rôle : 09/05214).
Il n’est toutefois pas impossible de faire la démonstration de l’intention frauduleuse du bénéficiaire du contrat d’assurance vie.
On peut ainsi citer un arrêt de la Cour d’appel de Rouen en date du 6 février 2013 (1re chambre civile, Répertoire Général : 12/02593) retenant le recel successoral au motif que « [le bénéficiaire] n’a pas non plus fait état des contrats d’assurance-vie et ce n’est que le notaire, chargé des opérations de partage et de liquidation, qui, en interrogeant les organismes concernés, a pu en avoir connaissance « .
On peut également citer un autre arrêt (Cour d’appel de Rennes, 1ère chambre, 17 Novembre 2015, Répertoire Général : 14/08472, Numéro d’arrêt : 436/2015) très détaillé dans laquelle la Cour d’appel a retenu la peine du recel à l’encontre d’un bénéficiaire de trois contrats d’assurance vie qui avait signé un acte de partage authentique dans lequel un paragraphe de l’acte était consacré à l’existence de contrats d’assurance vie. Or, le bénéficiaire n’avait mentionné qu’un seul contrat sur les trois …
Le bénéficiaire de contrats d’assurance vie doit donc être très prudent lorsqu’il lui est demandé s’il existe des contrats d’assurance vie (questions des autres héritiers, questions du notaire liquidateur, clauses de l’acte de partage, rédaction de la déclaration de succession etc …)
La situation n’est pas très confortable pour l’héritier bénéficiaire puisque celui-ci ne pourra jamais prévoir avec certitude si le contrat qui lui revient fera l’objet d’une réintégration à la succession.
Au vu de la jurisprudence existante, on peut toutefois conclure que l’héritier bénéficiaire devra être très transparent lorsqu’il sera interrogé sur d’éventuels contrats d’assurance vie à son profit.
Vous avez des questions au sujet d’un contrat d’assurance vie dont l’existence a été dissimulée ?
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