Succession bloquée : recevoir une provision

Régler une succession conflictuelle, c’est long …

Pour vous donner une idée de toutes les étapes par lesquelles vous passerez pour régler une succession en cas de partage judiciaire, je vous invite à lire un de mes précédents articles concernant la procédure de partage d’une succession devant le Tribunal.

Pendant toute cette durée, il est possible que des fonds soient bloqués chez le notaire ou auprès d’une banque et que vous souhaitiez percevoir une partie de ces fonds.

Quelle solution est-il possible pour recevoir une provision ?

1ère solution : saisir le Juge de la Mise en Etat sur le fondement de l’article 771 du Code de Procédure civile prévoyant en son point 3 la possibilité :  » Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. »

Cette procédure se fait au moyen d’un incident, il s’agit d’une contestation au cours de la procédure qui donne lieu à des échanges d’écritures (conclusions) sur ce point spécifique et à des plaidoiries devant le Juge de la Mise en Etat (une sorte de « procédure dans la procédure »).

Cet incident permet de ne pas attendre le jugement sur le fond et le partage devant le notaire commis par le Tribunal.

Qu’examine le Juge de la Mise en Etat pour accorder une provision ?

  • le juge vérifie si les droits des parties sont bien établis : une contestation sur un testament ou sur la dévolution successorale rendra en général impossible l’octroi d’une provision
  • la consistance et l’importance de l’actif au vu de la provision réclamée : la demande doit donc être raisonnable et le juge doit avoir un aperçu des forces de la succession,  il est donc très utile d’avoir si possible un projet de déclaration de succession, des évaluations ou un projet de partage
  • l’existence de dettes à régler, le juge vérifiera si les droits de mutation ont été réglés
  • l’existence d’une contestation sérieuse
  • le montant des liquidités disponibles : si l’actif ne se présente que sous forme de biens immobiliers, une provision ne pourra être octroyée

Quelques exemples de décisions accordant une provision à l’un des héritiers : « Même si la valeur de ces immeubles reste à déterminer plus précisément au regard des propositions que fera l’expert désigné, le principe de la créance de [l’héritier] n’est pas sérieusement contestable, non plus, au vu des observations qui précèdent et des éléments du projet d’état liquidatif qui n’ont pas fait l’objet de dires de la part des parties, que son montant à concurrence de 150. 000 € ». (Cour d’appel, Rennes, 1re chambre, 17 Décembre 2013 – n° 13/04207)

Le juge s’est appuyé pour faire droit à la demande de provision sur le projet d’état liquidatif.

Autre décision : « Attendu qu’il est établi par les éléments du dossier que les époux X étaient communs en bien et il résulte du projet de règlement de la succession de feu X. établi par la SCP P, notaires, que l’actif de la communauté comprend outre un immeuble évalué à 600 000 euros et quatre véhicules automobiles, des liquidités à hauteur de la somme de 114 505,03 euros ; […] la provision sollicitée sera limitée à la somme de 57 252 euros représentant la moitié des liquidités composant l’actif de la communauté revenant incontestablement à l’intéressée » (Cour d’appel, Bastia, Chambre civile A, 20 Novembre 2013 – n° 12/00079)

Le juge dans cette décision a tenu compte de l’existence d’héritiers réservataires et de la nécessité de respecter la réserve.

Autre exemple : (Cour d’appel, Pau, 2e chambre, 2e section, 30 Septembre 2015 – n° 15/01993)   » L’article 771 dispose, notamment, que le Magistrat de la Mise en Etat est compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ;Tel est en l’espèce le cas au vu des pièces produites suivantes : déclaration de succession, procès-verbal de difficulté ,Jugement du Tribunal de Grande Instance portant adjudication de certains des biens de la succession, deux lots ne trouvant pas preneur,projet d’acte de partage établi par Maître G.-., notaire, faisant ressortir un actif net  de l’ordre de 135.600 €,procès-verbal de carence faute pour P. X. de comparaître dressé par Maître G.-[…]Si l’obligation n’est pas sérieusement contestable dans son principe, il reste qu’il convient, quant à son montant, de demeurer prudent en limitant la provision à hauteur de 15.000 € ; »

Cet arrêt résume très bien la manière dont le Juge de la Mise en Etat procède pour déterminer s’il est possible d’octroyer une provision à l’héritier qui en fait la demande : le juge doit rester prudent et la demande doit être justifié par des documents faisant apparaître approximativement la quote-part revenant à l’héritier.

Il s’agit d’éviter de donner à un héritier plus de droits qu’il n’en aura dans le partage.

J’aborderai dans un autre article, la question de l’avance en capital dans le cadre d’une division sur le fondement de l’article 815-11 du Code civil, qui peut aboutir à un résultat assez similaire de la provision obtenue au vu de l’article 771 du Code de Procédure civile.

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