Vous avez dans votre entourage une personne qui doit être mise sous curatelle ou sous tutelle ? Cette personne refuse obstinément d’aller voir le médecin expert ou de le recevoir chez elle afin d’établir un certificat médical de tutelle ?
Comment faire ?
L’établissement par un médecin expert se trouvant sur la liste du Procureur de la République est une étape indispensable pour la mise sous protection d’une personne par le juge des tutelles.
Pour information, ce certificat coûte 160€ (article R 217-1 du Code de procédure pénale), non remboursable par la sécurité sociale.
Vous pourrez obtenir la liste des médecins experts auprès du greffe du juge des tutelles du domicile de la personne à protéger.
Sans ce certificat médical, rendu obligatoire par l’article 431 du Code civil, aucune demande de mise sous curatelle ou sous tutelle ne peut aboutir : il ne sert à rien d’envoyer un dossier incomplet, ce dossier ne pourra jamais être instruit.
On peut par exemple citer un arrêt de la Cour d’appel de VERSAILLES en date du 5 janvier 2012 dans lequel le médecin expert n’avait pu faire l’examen de la personne à protéger mais avait indiqué que la personne devait néanmoins être assistée ou contrôlée dans les actes patrimoniaux et à caractère personnel de la vie civile d’après sa fille.
La Cour d’appel a retenu qu’un certificat médical établi dans de telles conditions était équivalent à l’absence de certificat.
Il est donc pas question de faire établir un certificat dans n’importe quelles conditions.
Si ce certificat médical vise à éviter les mises sous protection abusives, la nécessité d’obtenir ce document peut aussi être problématique lorsque la personne en état de vulnérabilité refuse absolument de rencontrer le médecin expert.
Comment contourner le refus de la personne à protéger ?
Aux termes de l’article 430 du Code civil, les personnes proches du majeur à protéger ne sont pas les seules personnes à pouvoir déclencher la procédure de curatelle ou de tutelle, le Procureur de la République le peut aussi.
Dans l’hypothèse d’un refus absolu, il est possible de signaler la situation au Procureur de la République en fournissant le plus d’éléments justifiant de la nécessité d’une mise sous protection.
Le Procureur de la République a la possibilité de désigner judiciairement un expert (article 1212 du Code de Procédure civile).
Attention : cette solution doit rester une exception car le délai de réaction du Parquet peut parfois être long.
Que se passe t-il si malgré la décision du Procureur, la personne à protéger refuse toujours d’être examinée ?
Si malgré les efforts du médecin expert, habitué à ce genre de situation, la personne refuse toujours de répondre aux questions du médecin ou de le recevoir, le médecin dresse un certificat de carence.
Le juge des tutelles peut alors prononcer une mesure de protection au vu du certificat de carence ( Cass. 1ère, 10 juillet 1984 : « Mais attendu que s’il résulte des textes précités que l’altération des facultés mentales ou corporelles du malade doit être médicalement établie et constatée par un médecin spécialiste, préalablement à l’ouverture d’une tutelle ou d’une curatelle, la personne qui fait l’objet de cette mesure n’est pas fondée à se prévaloir de l’absence de constatation médicale de l’altération de ses facultés lorsque, par son propre fait, elle a rendu cette constatation impossible en se refusant à tout examen »)
Conformément à l’article 432 du Code civil, la personne à protéger devra être néanmoins être convoquée par le juge, peu importe ensuite que la personne ne se présente pas à l’audience.
En résumé, il est moins facile de faire placer sous mesure de curatelle ou de tutelle une personne qui refuse de rencontrer le médecin mais cela n’est pas impossible.
Il restera ensuite à déterminer qui exercera les fonctions de curateur ou de tuteur, ce qui peut ne pas être évident lorsque la personne protégée refuse de coopérer.
Vous avez une question au sujet de cet article ? Vous souhaitez que je vous assiste pour vos démarches auprès du Procureur de la République ? N’hésitez pas à me contacter, je réponds sous 24 heures.
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Je m’étonne de cette option choisie de se servir d’un certificat de carence, quelle que soit la position de la Cour de Cassation… Techniquement, il me semble que ne pouvoir voir le patient et constater l’état de santé peut être parfois le fait de praticiens peu insistants, et qu’avec l’expérience, un praticien sait comment aborder le faible pourcentage de patients refusant cette expertise.
Il me semble que cette mesure doit rester exceptionnelle et que le danger est que cette mesure, si elle est élargie, conduira à des atteintes graves aux libertés individuelles, dont celle de refuser une mesure de protection.
Vous noterez aussi que dans ces cas extrémes, l’expert n’a le plus souvent que le contact qu’avec un membre de l’entourage, famille proche, et qu’il peut y avoir manipulation de l’expert qui n’entendra donc qu’un seul son de cloche… celui du demandeur et du payeur !!!
Il me parait indispensable que le législateur décide que dans ces cas extrémes, le dit sujet est obligatoirement convoqué par le juge (pas de possibilité de notion de patient non auditionnable) et peut présenter le certificat d’un autre praticien devant le juge des tutelles.
Bonjour,
Merci pour votre commentaire. Je précise que le certificat de carence reste rare .En général, l’expert tente de se présenter plusieurs fois et lorsqu’il y a un certificat de carence, la personne est systématiquement convoquée devant le juge. La personne qui fait l’objet d’une telle procédure peut contre-attaquer et demander une contre-expertise ou se présenter spontanément au médecin expert de son choix avant d’aller chez le juge;
Cordialement,
Maître Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN