En ce début d’année, j’avais envie de vous présenter une décision concernant la responsabilité notariale obtenue par le Cabinet l’année dernière (TGI PARIS 2ème Chambre, 15 juin 2015).
Classiquement, la responsabilité d’un notaire peut être engagée à condition qu’il puisse être fait la preuve d’une faute du notaire, d’un lien de causalité, et d’un préjudice.
La situation de départ est simple : une promesse de vente est signée entre un acquéreur et un vendeur.
Cette promesse de vente est rédigée et signée, comme souvent chez un notaire (elle peut aussi l’être par l’intermédiaire d’une agence immobilière ou plus rarement entre particuliers).
Afin d’éviter que l’acquéreur ne s’engage à la légère, il est prévu dans la promesse de vente une indemnité d’immobilisation (en général 10 %) et une clause pénale du même montant, acquise au vendeur en cas de non réalisation de la vente par la faute de l’acquéreur.
Le notaire indique dans la promesse qu’il a reçu le montant de l’indemnité d’immobilisation.
Dans la promesse de vente qui est signée, il est prévu une date butoir pour la signature de l’acte de vente définitif.
Or, la date convenue entre les parties arrive et l’acquéreur s’est volatilisé, il est donc impossible de signer l’acte de vente.
Les vendeurs sollicitent alors le paiement de la clause pénale.
Il apparaît alors qu’en réalité, contrairement à ce qui a été indiqué dans la promesse de vente rédigée par le notaire, le notaire n’a jamais reçu le montant de l’indemnité d’immobilisation.
Les vendeurs, assignent devant le Tribunal l’acquéreur indélicat et le notaire en charge de l’opération en demandant au Tribunal de condamner solidairement l’acquéreur et le notaire au paiement de la clause pénale.
L’acquéreur, manifestement peu sérieux, ne comparaît pas devant le Tribunal.
Le Tribunal retient que le notaire a commis plusieurs fautes :
– celle ne pas avoir demandé les fonds avant la signature de la promesse au candidat acquéreur,
– celle d’avoir indiqué à tort que les fonds se trouvaient à l’Etude notariale,
– celle d’avoir caché la situation aux vendeurs qui ne comprenaient pas ce qu’il se passait.
Le notaire est donc condamné solidairement avec l’acquéreur à indemniser les vendeurs du montant de la clause pénale et est également condamné à payer des dommages-intérêts supplémentaires (taxes foncières et d’habitation, assurances habitation et frais d’entretien le temps de trouver un nouvel acquéreur).
Cette décision est conforme aux jugements qui ont été rendus précédemment dans des contextes similaires.
A titre d’exemple, on peut citer :
- CA Paris, 1re ch. A, 18 févr. 2002 : : dans cette affaire un notaire qui avait été désigné séquestre d’un chèque dont le montant était destiné à garantir au cédant le paiement du prix d’actions s’était abstenu de vérifier l’existence de la provision et de le présenter au paiement. La Cour a estimé que le notaire séquestre avait commis une faute et que le montant du préjudice était le montant du chèque.
- 1ère civ, 27 novembre 2013 (pourvoi n° 12-29.231) : « le notaire, en s’abstenant de présenter ledit chèque à l’encaissement ou d’en vérifier la provision, avait privé la clause pénale de toute efficacité et ainsi commis une faute professionnelle en relation directe avec le dommage subi » : le notaire a été condamné au paiement de la clause pénale
Ce type de cas devrait devenir plus rare puisqu’il est devenu obligatoire d’effectuer des virements au profit des Etudes notariales, ce qui dispensera toutefois le notaire de vérifier que le compte de l’Etude notariale a bien été approvisionné.
En effet, en vertu du décret du 20 mars 2013 (décret n° 2013-232 relatif aux paiements effectués ou reçus par un notaire pour le compte des parties à un acte reçu en la forme authentique ( Journal Officiel du 22 mars 2013), dès qu’ils dépassent le somme de 10.000 euros.
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