Signalements de détournements au juge des tutelles et absence de réaction : l’Etat peut être condamné

L’article 511 du Code civil prévoit que le greffier en chef vérifie chaque année les comptes des majeurs protégés et des mineurs.

En réalité, il est impossible au vu du nombre de personnes protégées et du peu de greffiers de vérifier chaque année les comptes de gestion qui doivent être établis par les tuteurs, curateurs et administrateurs légaux, ce qui permet malheureusement des abus, malgré l’envoi de signalements qui devraient pourtant permettre au juge des tutelles et greffier de cibler les comptes à vérifier.

La déconvenue est parfois grande lors de la levée de la mesure (âge de la majorité, mainlevée, décès de la personne protégée) lorsque l’ampleur des détournements est découverte.

Bien évidemment, l’ancien tuteur ou curateur peut être insolvable et se pose alors la question du recouvrement des fonds détournés.

Savez-vous que dans cette hypothèse le juge des tutelles engage la responsabilité de l’Etat qui peut être condamné?

La Cour de cassation dans un arrêt consultable ici :(1ère civ, 3 juillet 1996, n° de pourvoi: 94-14272) avait confirmé la condamnation de l’Etat en énonçant « le juge des tutelles exerce une surveillance générale sur les tutelles de son ressort et doit, à ce titre, veiller à la bonne gestion des biens des mineurs »

Les condamnations restent relativement rares mais on trouve plusieurs arrêts confirmant que la responsabilité de l’Etat peut être engagée s’il y a défaillance du juge des tutelles.

Citons deux exemples récents :  (Cour d’appel  de Limoges  Chambre civile , 25 Janvier 2011)

Une adolescente perd sa mère, la succession de la mère s’ouvre.

La mineure est placée sous tutelle avec constitution d’un conseil de famille.

Le greffe du juge des tutelles sollicite une fois, trois ans après l’ouverture de la tutelle, auprès de la tutrice, les comptes : la tutrice ne répond pas.

La tante de l’enfant prend l’initiative avec la mineure, quatre ans après l’ouverture de la tutelle, d’écrire au juge des tutelles quelques jours avant sa majorité pour se renseigner sur le sort des sommes qui lui étaient destinées.

Le juge des tutelles ne répond pas ; l’enfant devenu majeur met en demeure son ancienne tutrice de lui restituer sa rente d’orphelin ainsi que la capital décès perçus, ce qui est sans effet.

L’enfant assigne alors l’ex-tutrice et l’Etat pris en la personne de l’Agent judiciaire du Trésor pour « absence de surveillance » du juge des tutelles.

La tutrice est condamnée pour avoir détourné les fonds de sa filleule.

L’Etat est condamné solidairement avec la motivation suivante :

« L’absence de surveillance du juge des tutelles a permis une dilapidation des fonds par Madame X alors que le juge des tutelles exerce une surveillance générale sur les tutelles de son ressort et doit s’assurer de la remise des comptes annuels de gestion après leur examen par le subrogé tuteur.

En l’espèce, la juridiction des tutelles de X n’a en aucune manière tenté de contraindre la tutrice à justifier de la gestion des fonds de la mineure alors que la tante de l’enfant a alerté, par de multiples courriers, le juge des tutelles de ses inquiétudes quant à la gestion faite par la tutrice.

Malgré l’accomplissement de toutes les diligences nécessaires par la tante de l’enfant, le juge des tutelles n’a pas su apporter une réponse adaptée à la situation.« 

2ème cas : il s’agissait cette fois-ci d’un majeur protégé qui avait été dépouillé par sa curatrice. ( Cour d’appel de Rouen, 1ère Chambre civile, 12 Octobre 2011) .

L’Etat est condamné au vu de la motivation suivante: « Que précisément, l’article 395 ancien du code civil, applicable à l’espèce, énonce que le juge des tutelles exerce une surveillance générale sur les administrations légales et les tutelles de son ressort, qu’il peut convoquer les administrateurs légaux, tuteurs et autres organes tutélaires, leur réclamer des éclaircissements, leur adresser des observations, prononcer contre eux des injonctions et qu’il peut condamner à l’amende prévue au code de procédure civile, ceux qui, sans excuse légitime, n’auront pas déféré à ses injonctions;« 

On peut rappeler que le juge des tutelles a le pouvoir d’infliger une amende  civile, en vertu de l’article 1216, d’un montant maximale de 3.000€ à toute personne qui ne répond pas à ses convocations et qui ne présente pas ses comptes.

Il vous semble qu’une personne proche de vous, sous mesure de protection, est victime de détournements? Il existe des moyens pour réagir!

N’hésitez pas à me contacter pour tous renseignements.

Le Cabinet propose également un service de consultation en ligne.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *