J’ai déjà abordé à plusieurs reprises la question de la validité d’un testament pris par une personne victime d’une altération de ses facultés mentales.
Cette altération de ses facultés mentales est parfois causée par la maladie d’Alzheimer.
La Maladie d’Alzheimer empêche-t-elle de prendre des dispositions testamentaires ?
Comment contester un testament pris dans de telles circonstances ?
Il convient de noter qu’une telle action sera jugée devant le Tribunal de Grande Instance dont dépend le dernier domicile du défunt.
La représentation par Avocat est obligatoire devant le Tribunal de Grande Instance.
Aux termes de l’article 1304 du code civil, l’action en nullité est ouverte pendant cinq ans à compter du décès.
Être atteint de la Maladie d’Alzheimer signifie-t-il que le malade est dans l’incapacité de tester ?
L’article 901 du Code civil prévoit « Pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. »
En l’absence de mesure de protection, ce sera donc à celui qui conteste le testament de faire la preuve de l’insanité d’esprit du testateur.
Sous mesure de curatelle, le curatélaire reste libre de tester (article 470 du Code civil), qu’il s’agisse d’une mesure de curatelle simple ou d’une mesure de curatelle renforcée.
Sous tutelle, le majeur protégé doit être autorisé par le juge des tutelles à prendre des dispositions testamentaires « Elle ne peut faire seule son testament après l’ouverture de la tutelle qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, à peine de nullité de l’acte. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion. »
La question de la validité d’un testament par une personne atteinte de la Maladie d’Alzheimer se posera donc pour une personne qui n’était pas sous mesure de protection au moment des faits ou sous mesure de curatelle.
La nullité du testament n’est pas automatique
La jurisprudence rappelle régulièrement que souffrir de la Maladie d’Alzheimer ne signifie pas toujours la nullité du testament :
« Si la maladie d’Alzheimer peut entraver le consentement et caractériser l’insanité d’esprit, il n’en résulte pas systématiquement une affection telle que les conditions édictées par l’article 901 du Code civil soient remplies. »
Cour d’appel de Paris, Pôle 3, chambre 1, 1er Juillet 2015, Répertoire Général : 14/13161
Toute la question va donc être de savoir à quelle stade de la Maladie la personne se trouvait au moment de la prise du testament.
Quelques exemples
Sont cités ainsi quelques cas dans lesquels il a été retenu que les conditions prévues par l’article 901 du Code civil étaient réunies :
- Cour d’appel, Aix-en-Provence, 1re chambre B, 24 Novembre 2011 – n° 09/21509 : La testatrice se trouvait seulement sous mesure de curatelle au moment de l’établissement du testament mais son médecin traitant a conclu deux mois à peine après la rédaction de l’acte, qu’elle avait besoin d’être représentée d’une manière continue
- Cour d’appel, Bourges, Chambre civile, 18 Juin 2015 – n° 14/00782 : annulation d’un testament pour une personne qui présentait un déficit avéré en langage parlé , ce qui ne permettait plus au testateur de posséder l’outil cérébral permettant de concevoir le texte du testament. Les écrits de l’auteur du testament contemporains à celui-ci ou postérieurs résultant des agendas ou notes s’inscrivaient dans la volonté de ne rien omettre et de compenser les pertes de mémoire.
- Cour d’appel de Poitiers, 4 Janvier 2012, RG : 11/00571 : des témoins avaient attesté d’une tendance aux oublis et d’une désorientation temporelle et spatiale, la testatrice avait tendance à se perdre dans des endroits qui lui étaient pourtant familiers
- Cour d’appel, Caen, 1re chambre civile, 28 Juin 2016 – n° 12/03606 : le testament a été annulé en raison de la production d’un certificat d’un médecin chef de service faisant état de troubles de mémoire gênant la testatrice dans la gestion de ses affaires courantes ; de la production d’un certificat d’un médecin expert désigné par le juge des tutelles un mois après la rédaction d’un testament relatant l’oubli des noms propres même des personnes de la famille proche. La personne avait également déclaré devant le juge des tutelles « ça m’ennuierait que je ne laisse plus rien à mes deux nièces » ; or, à cette date, la personne atteinte d’Alzheimer avait établi un testament instituant une seule de ses nièces comme légataire, ce qu’elle avait manifestement oublié
- Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 6e chambre D, 9 Novembre 2016 (RG : 14/07174) : le testament est annulé au vu du fait qu’en décembre 2006, la testatrice avait un score MMS de 9/30 (stade sévère de la maladie) faisant supposer que la maladie avait débuté bien avant. Cet arrêt reprend les conclusions du médecin expert expliquant que dès le début de la maladie d’Alzheimer, la faculté de tester serait remise en question. « Selon les études citées par le médecin expert sur cette maladie, une altération des capacités de discernement se retrouve dès le stade léger de la maladie d’Alzheimer ; qu’à ce stade les patients s’ils conservent la faculté d’exprimer un choix, ils n’ont plus celles de le faire avec discernement car ils apprécient mal les conséquences d’un choix, raisonnent mal sur les alternatives possibles et comprennent mal les informations qu’on leur donne »
En résumé, on voit ici que la preuve de la nullité d’un testament se fait à l’aide de témoignages, de dossiers médicaux et d’expertises.
Vous avez des questions au sujet de cet article ? N’hésitez pas à le commenter ! Pour les études de cas personnalisés, le Cabinet propose également des consultations en ligne.
Annulation de la révocation d’un testament.
Bonjour,
Sous l’influence de son auxiliaire de vie une personne très âgée et diminuée a révoqué le testament qu’elle avait fait il y a six ans en ma faveur et qu’elle avait déposé chez son notaire alors qu’elle disposait à cette époque de toutes ses facultés de jugement.
La révocation d’un testament faite dans ces conditions et la révocation ayant été faite devant le même notaire, est-elle discutable et peut-elle être annulée, en rétablissant le testament d’origine sachant qu’il correspondait à la volonté lucide du testateur de léguer ses biens après son décès à celui qui s’est occupé de toutes ses affaires bénévolement et a organisé sa vie durant plus de dix ans alors qu’il ne le pouvait plus et sachant qu’il est possible de prouver l’influence exercée par l’auxiliaire dont l’objectif malveillant à mon égard était de me priver de l’héritage ?
A l’époque de la révocation, le testateur n’était pas sous tutelle. Par la suite et peu après (moins de 2 ans – cf. article 464 du Cc-) , mon ami ayant décliné fut placée sous tutelle.
Si l’on considère que révoquer son testament est un acte juridique, alors, selon les dispositions de l’article 414-1 du Cc, pour que cet acte soit valable, il faut que son auteur soit sain d’esprit. Dès lors, que l’on arrive à prouver que la personne ayant révoqué son testament ne disposait plus de la capacité de discernement intacte pour apprécier toutes les conséquences de ses actes au moment de la révocation, et qu’elle a subi une influence abusant de sa faiblesse, pour procéder à cette révocation, même si l’auxiliaire manipulatrice n’a obtenu aucune donation ou legs, une action en annulation de ladite révocation peut-elle être envisagée ? Quelle est la jurisprudence à cet égard ? Merci pour commentaires ou proposition d’action sachant que le testateur est en vie et sous la tutelle d’un mandataire professionnel.
Bonjour,
Pour une étude de cas comme le votre, je vous conseille de réserver une consultation sur le site internet du cabinet.
A priori ce n’est pas maintenant que la situation va se régler mais au décès de votre amie, toutefois, il y a sûrement des choses à faire pour préparer les évènements à venir.
Vous ne dites pas dans votre message s’il s’agit juste d’une révocation de testament ou si un autre testament a été pris au lieu et place.
Cordialement
Maître Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN