Une aide-ménagère peut elle être bénéficiaire d’un testament ?
Cette question, très intéressante, vient d’être posée à la Cour de cassation (Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 septembre 2013, N° de pourvoi : 12-25160).
L’occasion de revenir sur ce que l’on appelle les incapacités de recevoir définies par l’article 909 du Code civil :
« Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité.
Les mêmes règles seront observées à l’égard du ministre du culte. »
Cette liste a été élargie en 2007 et les conditions ont été assouplies.
En résumé : les médecins, infirmiers, pharmaciens qui ont soigné la personne avant son décès, un tuteur ou curateur professionnel ou un prêtre ne peuvent être gratifiés par un testament. Le Sénat avait proposé un allongement de cette liste mais cette proposition n’avait finalement pas été retenue.
L’interdiction vise toutes les personnes qui ont soigné le malade avant sa mort, que ce dernier soit décédé ou non d’une affection en rapport avec la maladie qui a emporté le défunt. Ne sont bien évidemment pas concernés les personnes qui ont un lien de famille avec le défunt.
La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : cette interdiction devait-elle s’étendre à une aide-ménagère dont le contrat de travail prohibait pourtant toute gratification, pourboires ?
L’aide-ménagère concernée avait reçu de la personne âgée un hébergement à titre gratuit ainsi qu’une procuration sur ses comptes bancaires. Le testament authentique avait été établi cinq mois après l’embauche de la salariée.
La Cour de cassation a répondu par la négative : la liste de l’article 909 du Code civil est donc d’application restrictive de sorte qu’une aide-ménagère peut recevoir un legs.
Quels enseignements tirer de cette affaire ?
En premier lieu, qu’un contrat de travail ne peut pas édicter une incapacité de recevoir, cette clause est donc une clause de style.
En second lieu, qu’il vaut mieux, si vous estimez que la personne qui va bénéficier de l’assistance d’une aide-ménagère est vulnérable et influençable, envisager une mesure de protection.
Si une tutelle est prononcée, l’article 476 alinéa 2 prévoit que la personne protégée ne pourra faire un testament qu’avec l’autorisation du juge, ce qui sera de nature à prévenir un abus.
Conclusion : dans l’espèce relatée ci-dessus, seuls l’abus de faiblesse ou l’insanité d’esprit auraient pu être conduire les juges à annuler le testament (demande accueillie en première instance). Il a été question dans la décision visée d’altération des facultés mentales puisque l’héritier réservataire avait obtenu des pièces médicales.
Le caractère authentique du testament (testament devant notaire) a apparemment emporté la conviction du juge.
Mise à jour : le Gouvernement annonce ce jour (26 mars 2014) qu’il envisage de faire voter une loi interdisant de gratifier les aides à domicile.