Peut-on contester un testament ? Oui et heureusement !
L’altération des facultés mentales est une cause fréquente d’action en nullité d’un testament. Il faut toutefois pouvoir démontrer cette altération : par des dossiers médicaux, des témoignages etc … ou par une expertise graphologique, comme retenu ici par la Cour de cassation.
L’arrêt de la Cour de cassation en date du 29 janvier 2014 confirme l’intérêt de solliciter une mesure d’expertise graphologique.
Avant de revenir sur cette affaire, je reviens sur quelques notions pour établir un testament valable sur le fond et la forme.
Il existe plusieurs types de testaments : les testaments olographes (celui que l’on dresse soi-même), le testament authentique dressé par un notaire. Il existe également le testament international et le testament mystique que je n’aborderai pas ici car ils sont rarement utilisés. Le testament authentique et olographe suffisent en effet à ce jour à répondre aux besoins des testateurs.
Aujourd’hui, focus sur le testament olographe qui doit pour être valable, être daté, signé et être écrit entièrement de la main du testateur. Hors de question donc de rédiger un testament à l’ordinateur ou à la machine à écrire (ce que malheureusement on voit bien souvent!).
Hors de question également que le testament soit conjonctif, c’est-à-dire rédigé par deux personnes (époux ou autres). Un testament par personne …
Encore une dernière règle : pour faire son testament il faut être sain d’esprit. C’est la question de la capacité à établir un testament qui est le plus souvent évoquée devant les juridictions, comme dans l’affaire relatée dans cet article.
Les faits : une testatrice établit un testament en 1974 puis un autre testament daté de 1998.
La testatrice est ensuite mise sous mesure de protection et décède en 2006.
En 2006, début des hostilités entre les bénéficiaires du testament de 1974 qui bien évidemment ne sont pas les bénéficiaires du testament daté de 1998.
Les légataires universels aux termes du testament de 1974 contestent judiciairement la validité du second testament et sollicitent une expertise graphologique en rappelant que la testatrice a connu une altération de ses facultés puisqu’elle a été mise sous curatelle renforcée.
Les conclusions de l’expert ont été les suivantes :
« tant pour le corps du texte que la signature, l’écriture du testament de question s’inscrit de façon très nette entre les pièces de comparaison du 28 novembre 2000 et du 1er août 2002 de X … dont l’écriture est restée très stable jusqu’au 28 novembre 2000 ¿ l’écriture du testament me paraît donc postérieure au 28 novembre 2000 et, de ce fait, (postérieur) de plus de deux ans à la date portée sur le testament litigieux, 1er juillet 1998. Au cas, à mon avis, peu vraisemblable, où le testament serait bien du 1er juillet 1998, le discernement de X… aurait été gravement altéré, comme le montrent, entre autres, les différentes graphies ¿ Les très nombreuses imperfections du testament de question surprennent d’autant plus que X… veillait à ce que ses écrits fussent soignés, bien présentés«
En résumé, l’expertise est venue mettre en doute la date inscrite sur le testament mais également, en raison de l’altération de l’écriture, l’état de la testatrice au moment de sa rédaction.
Les légataires du testament daté de 1998, contestaient la possibilité de soulever la fausseté de la date à l’aide d’un élément extrinsèque, c’est-à-dire une expertise.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, estimant que les juges du fond, ont apprécié souverainement les faits soumis.
Cet arrêt est conforme à la position de la Cour de cassation: la fausseté de la date rend un testament nul lorsque les éléments présents dans le testament ne permettent pas de rétablir la date réelle d’établissement du testament ( ss. 1ère civ, 11 février 2003, 99-12.626)
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