Pourquoi des Communes deviennent-elles propriétaires de biens sans maître ?

Certaines communes sont actuellement à la recherche de nouvelles sources de revenus, en raison de la baisse des budgets alloués aux collectivités territoriales.
D’autre part, certains biens abandonnés sont à l’origine de nuisances (présence de rongeurs, végétation abondante, occupation de biens par des personnes sans droit ni titre) et les Communes destinataires de plaintes de riverains tentent de trouver des solutions pour y mettre un terme.
Enfin, le manque de terrains sur certaines parties du territoire amène certaines Communes à devoir trouver des parcelles constructibles pour pouvoir proposer des logements.
C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu un mécanisme permettant au Commune d’appréhender  des biens au titre du régime des biens sans maître.
En clair, ce bien qui appartenait à une personne privée, physique ou morale, devient la propriété de la Commune.

Or, ce bien était peut-être le vôtre et vous souhaitez savoir s’il est encore possible d’en obtenir la restitution.

Quels sont les biens que la Commune peut appréhender au titre du régime des biens sans maître ?

L’Article L1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques définit clairement dans quel cadre une Commune peut se prévaloir du régime des biens sans maître pour devenir propriétaire d’un bien immobilier.

Ainsi :

« Sont considérés comme n’ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l’article L. 1122-1 et qui :
1 Sont considérés comme n’ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l’article L. 1122-1 et qui :
1° Soit font partie d’une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté. Ce délai est ramené à dix ans lorsque les biens se situent dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3 du code de l'urbanisme ou d’une opération de revitalisation de territoire au sens de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation, dans une zone France ruralités revitalisation mentionnée aux II et III de l’article 44 quindecies A du code général des impôts ou dans
un quartier prioritaire de la politique de la ville au sens de l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ; la présente phrase ne fait pas obstacle à ‘application des règles de droit civil relatives à la prescription ;
2° Soit sont des immeubles qui n’ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application des règles de droit civil relatives à la prescription ;

Une mairie peut donc appréhender un bien immobilier si :
– La succession de son auteur n’a pas été acceptée depuis plus de 30 ans (on notera que le législateur n’a pas modifié ce délai alors que depuis le 1 er janvier 2007, le délai pour accepter une
succession ouverte à compter de cette date est de 10 ans ), règle confirmée par un arrêt de la Cour de cassation Cass. Civ., 3ème, 27 mars 2025, n° 23-17.940

– Les taxes foncières du bien immobilier n’ont pas acquittées pendant 3 ans

Afin de vérifier que le bien immobilier répond aux conditions légales et que la Commune peut en devenir propriétaire sans risque de demande ultérieure de restitution, il est recommandé aux collectivités outre les mesures qui leur sont imposées par le Code général de la propriété des personnes publiques (publicité, notification à la dernière adresse connue) de faire appel à un généalogiste qui vérifiera que le bien n’a pas de propriétaire susceptible de faire valoir ses droits.
La Commune peut en effet être condamnée au paiement de dommages intérêts si elle refuse de restituer à tort un bien immobilier qui n’était pas sans maître.

(voir pour exemple : L’information délivrée à la commune avant toute incorporation du bien immobilier litigieux à son domaine privé, aurait dû, de toute évidence inciter celle-ci à la reconsidération de la situation juridique du bien et de ses projets y afférents.
L’indisponibilité du bien immobilier en résultant pour les demandeurs a nécessairement causé à cesderniers un préjudice qu’il conviendra de réparer par l'allocation de la somme de 10 000 €. Tribunal de Grande Instance de NANTERRE 8 ème Chambre 3 décembre 2018 15/05404)
Il peut aussi être problématique pour une Commune d’appréhender un bien sans maître et de se voir réclamer plusieurs années plus tard la restitution du bien ou le prix de vente obtenu par la Commune alors que celle-ci a déjà utilisé les fonds.

Quelle est la procédure pour appréhender un bien sans maître ?

La procédure d’incorporation d’un bien sans maître se fait en deux temps :
– Dans un premier temps, un arrêté du Maire constate que l’immeuble satisfait aux conditions mentionnées par la loi  (taxes foncières non réglées ou succession ouverte depuis plus de 30 ans) :
cet arrêté fait l’objet d’une publicité en Mairie et d’une notification au dernier propriétaire connu ainsi qu’à la personne réglant les taxes foncières si celles-ci sont acquittées
– Dans un second temps, après un délai de six mois, si personne ne s’est pas manifesté, l’immeuble est présumé sans maître. La commune peut, par délibération du Conseil municipal l’;incorporer
dans son domaine. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. Le transfert de propriété sera publié à la Conservation des hypothèques au moyen d’un acte notarié
En résumé, il est possible de se manifester 6 mois après le premier affichage auprès de la Mairie mais après prise d’un arrêté par le maire, il est nécessaire de solliciter la restitution puisqu’une mutation aura été enregistrée.

Cette restitution peut avoir lieu soit de manière amiable et faire l’objet d’un acte de restitution publié à la Conservation des hypothèques, soit avoir lieu à la suite d’une demande contentieuse si la mairie refuse de restituer le bien immobilier.
Pour obtenir la restitution, il sera nécessaire de démontrer votre qualité de propriétaire à l’aide du titre de propriété, de votre pièce d’identité et éventuellement d’un acte de notoriété si le bien provient d’un héritage.

Une Commune peut appréhender un bien qui ne remplit pas les conditions prévues par la loi (par exemple : les héritiers sont encore dans les délais pour en demander la restitution parce qu’ils sont encore dans les délais pour accepter la succession) mais dans ce cas, la Ville s’expose à une demande de restitution du bien par ses propriétaires.
Les notaires qui constatent d’ailleurs l’incorporation d’un bien dans le patrimoine privé d’une Commune insèrent souvent une clause alertant la Commune que cette procédure est mise en œuvre avec la possibilité d’une demande de restitution des ayants-droits.

Comment obtenir la restitution d’un bien sans maître ?

  1. La première condition est d’agir dans les délais légaux pour former sa demande.
  2. La seconde condition est de prouver sa qualité de propriétaire.

Pour cela, il est nécessaire de fournir son titre de propriété et si ce bien provient d’une succession, il y a lieu de démontrer que la succession concernée a été acceptée dans les 30 ans du décès.
Il existe certains cas de suspension de la prescription comme la minorité de l’héritier au moment du décès (article 2235 du Code civil).
Il existe également fréquemment qu’une mairie appréhende un bien immobilier qui dépendait d’une succession qui a été acceptée mais dont l’existence a été oubliée lors du règlement initial de la succession.
Dans ce cas, il faut apporter la preuve de l’acceptation de la succession (par exemple vente d’un autre bien dépendant de la succession, occupation d’un bien etc…) pour démontrer que la succession a été acceptée et qu’il s’agit d’une simple omission d’actif.
(voir pour un exemple de restitution : « les appelants, parents au degré successible, ont exercé le 24 septembre 2015 par la présente action en revendication de propriété leur droit d’option dans les trente années à compter du 23 novembre 1984, date d’ouverture de la succession de la défunte. Ils sont donc habiles à exercer leur droit de restitution à l’encontre de la Commune.

Cour d’appel de PARIS Pôle 4, Chambre 1, 4 décembre 2020, RG 18/16486 :

Il faut également envisager l’hypothèse d’une acceptation implicite de la succession dans les délais imposés par la loi.  Il y a donc de nombreux cas dans lesquels des biens ont été appréhendés à tort comme un bien « sans maître » et qui peuvent faire l’objet d’une restitution ou d’une indemnisation par la Commune.

Quel est le juge saisi pour obtenir la restitution d’un bien ?
Tout dépend de la situation.
Si le bien est toujours la propriété de la Commune, il est possible d’obtenir la restitution du bien en nature.
Dans ce cas, le Tribunal de Grande Instance est compétent.
Si le bien a entre-temps été utilisé par la Commune ou a été revendu, c’est le Juge de l’Expropriation qui est compétent et la procédure de l’expropriation est applicable avec toutes les spécificités que celle-ci peut comporter (présence du commissaire du gouvernement à l’instance, déplacement sur les lieux, saisine du juge par mémoires etc…)
Dans cette hypothèse, le Juge de l’expropriation fixera le montant de l’indemnité revenant à la partie  dépossédée, étant précisé que lorsque le bien a été vendu, le montant de l’indemnité est égal au prix de vente obtenu par la Commune.
Le propriétaire devra néanmoins rembourser la Commune d’éventuels frais engagés pour son compte (frais de débroussaillage, frais pour murer la propriété etc..).
Avant d’obtenir le paiement de son indemnité, le propriétaire devra également s’acquitter des taxes foncières qu’il a éludées.
Attention cet article ne traite pas de la procédure qu’il est possible d’engager dans des délais plus courts devant le Tribunal administratif pour faire annuler les arrêtés ayant incorporé les biens.

Vous pouvez consulter la circulaire du 8 mars 2006 du Ministère de l’Intérieur pour en savoir davantage
sur le régime souvent méconnu des biens sans maître :

Le Cabinet peut vous assister dans le cadre d’une procédure au titre des biens sans maître.
N’hésitez pas pour avoir une analyse personnalisée de votre situation à réserver une consultation en ligne.

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