Assurance-vie : primes manifestement exagérées

Mon père ou/ma mère a placé des sommes très importants sur des contrats d’assurance-vie, on m’a parlé de la réserve. Que puis-je faire?

Les fraudes à la réserve héréditaire sont de plus en plus importantes et les moyens pour contourner le principe de la réserve sont de plus en plus élaborés. Je suis sans cesse surprise par l’imagination débordante des « futurs » défunts dans le but de favoriser leur dernier conjoint, leur amant … ou dans le but de ne surtout rien vous laisser.

Le moyen le plus classique pour exhéréder l’un de ses enfants reste de souscrire une assurance vie au profit d’un tiers mais il y a bien d’autres moyens.

Focus sur l’assurance-vie et sur les utilisations détournées de ce contrat.

En principe, l’assurance-vie est « hors succession » (c’est d’ailleurs le principal argument des assureurs).

Découvrir au décès de l’un de ses parents que vous n’êtes pas le bénéficiaire du contrat n’est toutefois pas une fatalité, vous pouvez riposter.

En effet, L’article L132-13 du Code des assurances dispose « le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

 Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

Cette disposition du Code des assurances peut donc vous sauver et aboutir à la réintégration des primes manifestement exagérées dans l’actif successoral.

 La jurisprudence examine régulièrement pour apprécier le caractère exagéré ou non des primes versées les critères suivants : le montant des revenus de la personne assurée, l’importance de son patrimoine, sa situation familiale (Civ.1ère, 4 juin 2009) et l’actif net successoral au jour du décès.

A titre d’exemple, sont citées ici deux décisions judiciaires dans lesquelles les primes ont été qualifiées de manifestement exagérées :

CA Paris, A, 19 févr. 2002 : Mme F…, alors âgée de 90 ans, décide de vendre sa maison avant de se retirer dans un foyer de retraite. Avec le prix perçu, soit 900 000 F, elle souscrit une assurance-vie d’une durée de 8 années, alors qu’elle ne possédait par ailleurs qu’un portefeuille-titres d’une valeur de 130 000 F et percevait une pension de retraite de 103 318 F complétée par une rente viagère de 4 283 F. La Cour de Paris a considéré que « la somme de 900 000,23 F versée lors de la souscription du contrat représentait ainsi environ les 9/10e de son patrimoine et constitue donc,, un montant de prime manifestement exagéré eu égard à ses facultés ».

  ou un arrêt de la Cour d’appel Paris en date du 30 Avril 2009:

« Il y a lieu à réintégration des capitaux perçus par la fille de la défunte au décès de cette dernière. En l’espèce, la souscription des six contrats d’assurance-vie par les époux décédés ne présentait aucune utilité pour ces derniers, âgés de quatre-vingt un ans à la date de la souscription et ayant donc peu de chance de percevoir les capitaux des assurances-vie au terme de contrats de longue durée. Les primes réglées étaient manifestement exagérées au regard des facultés des souscripteurs, dès lors qu’elles représentaient prés de la moitié des actifs successoraux. Ces diverses souscriptions ont eu pour effet de vider la communauté de plus de la moitié de sa substance et d’absorber quatre-vingt onze pour cent des revenus de la souscriptrice au profit d’une de ses filles qui gérait les biens et les affaires de sa mère dans les dernières années de celle-ci qui avait perdu alors tout sens de la valeur de l’argent ».

Cour d’appel, Nîmes, 1re chambre civile, 20 Décembre 2018 – n° 16/01151

« A cet égard, compte tenu de l’âge de l’intéressée lors de la souscription, soit 81 ans, de son patrimoine immobilier évalué à cette période à 400 000 € outre des liquidités dont elle bénéficiait – soit la somme globale de 259 935 € disponible à tout moment sur des comptes épargne, somme qui lui permettait de faire face à des besoins non couverts par son revenu mensuel, notamment les frais complémentaires de séjour en maison de retraite, ou des frais éventuels pouvant résulter d’un état de dépendance ultérieur – le placement en assurance vie, quelle que soit son attractivité tenant à la garantie de pérenité du capital placé, ne présentait pas un intérêt particulier pour la souscriptrice, et ce bien qu’il ait permis d’opérer des rachats partiels en l’espèce inutiles en considération de l’épargne conséquente dont elle disposait par ailleurs. L’inutilité du contrat est confortée par l’absence totale de rachat partiel par la souscriptrice entre l’ouverture du contrat  et son décès. »

La Cour d’appel de NIMES a approuvé la réintégration dans l’actif successoral de la somme de 160.000€ alors que le bénéficiaire de l’assurance-vie soutenait que cela ne représentait que 20% de l’actif successoral.

Dans cet arrêt, les critères qui ont emporté la conviction du Tribunal était l’âge de la souscriptrice et l’inutilité de l’opération eu égard à la composition du patrimoine.

Il vous appartient donc de réunir au minimum les avis d’imposition du défunt, un état de l’actif et du passif dans le but de démontrer au Tribunal que les montants placés sont exagérés (ce que les Tribunaux admettent généralement lorsque cela dépasse au moins 80% du patrimoine).

Il y a lieu de mentionner un arrêt de la Cour de cassation de 2012 qui a rejeté un pourvoi contre un arrêt de Cour d’appel qui avait seulement examiné les revenus du défunt au moment du paiement des primes :

Attendu qu’ayant relevé que le souscripteur avait placé l’équivalent en francs de la somme de 106 114, 31 euros provenant de la vente d’un bien immobilier lui ayant rapporté 176 840, 85 euros alors que ses déclarations fiscales en 1995, 1996 et 1997 faisaient apparaître des revenus en francs équivalents à 21 043 euros, 18 682 euros et 19 752 euros et que des sommes provenant de cette vente avaient été employées dans les dépenses de ménage, la cour d’appel a souverainement estimé, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, que le montant de la prime versée était manifestement exagéré au regard des situations personnelle et familiale de l’intéressé ; que le moyen ne peut être accueilli ;

(Cass. 1ère civ, 10 octobre 2012 
N° de pourvoi: 11-14018) 

 

 

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    1. Bonjour,

      Il n’y a pas assez d’éléments pour répondre : il faut connaître la date de placement des primes, l’état de santé de la personne, les revenus de la personne, le contexte familial etc…

      Cordialement,

      Maître Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN

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